IX. LA FIN D’UN ROI CAMBODGIEN Incinération de S.M. Sisowath

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IX. LA FIN D’UN ROI CAMBODGIEN

Incinération de S.M. Sisowath

I

AVANT LA CREMATION

Vendredi 2 Mars 1928

Sa Majesté Preah Bath Samdech Preah Sisowath, née le mardi 12 ème jour de la lune décroissante du 9 ème mois de Srap de l’Ere Bouddhique 2383, de l’année du Rat, ou Chut tossak (Août-septembre 1840) mourut le mardi 9 août 1927 à Phnom Penh, âgée de 88 ans, dans la 24 ème année de son règne.

Malade pendant quelque temps chez la princesse Pindara, sa fille favorite, le roi fut ensuite ramené dans ses appartements du Palais, et, lorsque vinrent les derniers moments, on le transporta, ainsi qu’il est d’usage, dans la pièce située en arrière de la Salle du Trône, la chambre d’agonie.

Il y fût allongé sur un lit soigneusement orienté, de façon qu’il eut la tête à l’est. On plaça sur la poitrine, entre les mains réunies, un étui d’or contenant de la noix d’arec, du bétel, deux bougies votives et un paquet de baguettes d’encens.

Lorsque l’âme quitte le corps, (1) elle s’élève aussitôt au paradis d’Indra, où elle trouve un chendei(2) contenant la très sainte relique des cheveux du Bouddha, que le dieu recueillit, lors de la coupe de cheveux du renoncement du Sage ici-bas : c’est l’offrande à ce chedei que recèle l’étui d’or.

Deux achars, ascètes laïques, vêtus de blanc, se postèrent à droite et à gauche du mourant, et, chacun dans une oreille, ne cessèrent de lui crier l’imploration rituelle : Buddho arahan ! Budho arahan ! (saint Bouddha !) qui doit empêcher l’âme de s’égarer et de prendre un autre chemin que celui du ciel, à sa sortie de l’enveloppe physique.

Les bonzes récitaient les prières des agonisants.

Il était 4 heures de l’après-midi lorsque S.M. Sisowath rendit le dernier soupir. Elle fut aussitôt vêtue et mise en exposition sur le lit de parade, où elle reçut les salutations des princes, des ministres et des principaux personnages européens de Phnom Penh. Tous les Cambodgiens prirent le brassard de crêpe – deuil européen en usage depuis S.M. Norodom, et toutes les princesses et alliées de la famille, ainsi que les suivantes, dames du Palais, pleureuses et domestiques, prirent le deuil blanc et se firent raser la tête.(3)

Le lendemain à midi, le corps ayant été lavé d’eaux lustrales et de parfums par les soins de la princesse Pindara, experte dans les rites mortuaires royaux, repose sous des gazes d’argent et les nécrophores du Palais commencent les opérations de la mise en urne.

Une enceinte de toile blanche, créant une chambre dans la chambre, isole la couche funèbre des bonzes et des danseuses massées derrière cette étoffe. Le lit lui-même est drapé dans des tentures, sorte de moustiquaire pleine, alors relevée.

Demeurent seuls autour de lui les membres de la famille, son fils, le roi Monivong, le médecin français chef du Service de Santé, docteur Bouvaist et le pharmacien de l’hôpital, M. Guichard. Celui-ci avait été prié de fournir un liquide qui, sans entraver totalement la décomposition, empêchât, autant que possible, les odeurs de la putréfaction.

On voit donc qu’il n’est ici nullement question d’embaumement.

Les Krom phusamala(4), attachés au vestiaire royal et les Krom snom, manipulateurs de cadavres, spécialisés dans les soins aux trépassés de la lignée auguste, entreprirent leur besogne, sur laquelle la princesse Pindara jetait de temps à autre un coup d’œil. Avec une habileté prodigieuse et décence si absolue que pas un pouce de chair ne fut visible, ils habillèrent le mort. Ils lui mirent d’abord dans la bouche la grande pièce d’or frappée à son effigie lors son avènement au trône.(5)

Ils le revêtirent du magnifique costume couvert d’or, des bijoux et des pierreries du couronnement, lui appliquèrent sur le visage un masque d’or massif pesant 10 taëls, lui mirent à l’index droit une très belle émeraude, à l’index gauche l’énorme diamant jaune royal.

Des aspersions de parfums avaient lieu sans cesse. A la tête du lit, l’encens et les bougies brûlaient sur un autel garni de vases précieux et de fleurs.

Lorsque l’habillage fut achevé, entrèrent successivement trois délégations de bonzes qui psalmodièrent chacune des chants liturgiques. Puis, on fit tomber les tentures du lit, car une opération pénible et macabre allait avoir lieu, la seule laideur de cet après-midi funèbre, gravement respectueux : il s’agissait de forcer le cadavre à prendre la posture rituelle qui devait lieu permettre d’entrer dans l’urne.

Le rigidité et le ballonnement cadavériques avaient fait leur œuvre.

Les Krom snom posèrent donc un fort garrot et en tordirent les cordes afin de plier les jambes et de ramener les genoux contre le thorax. Les membres craquèrent comme ceux d’un homme que l’on broie, tandis que les viscères, les liquides et les gaz, refoulés par l’écrasement du ventre, se déplaçaient avec des borborygmes.

Le Roi, une fois brisé, fut ligoté dans des bandes de calicot, les mains rapprochées sur la poitrine, et tenant l’étui d’or. Après quoi on l’empaqueta entièrement dans des suaires de soie blanche, noués sur la tête. On encensa l’intérieur de l’urne de cuivre, enduite de laque rouge et tendue de soie blanche brochée, et on l’inclina contre le bord de la couche. L’on y fit glisser le corps, qui fut enfoncé et calé avec des coussins blancs, un grand coussin en forme de croissant s’adaptant à la nuque.

Un nécrophore voulut alors coiffer le mort du mokot. Mais le Roi Monivong, choqué de cette infraction aux règles, saisit brusquement la haute tiare et en couronna lui-même son père, comme celui-ci l’avait fait, vingt quatre ans plus tôt, pour son frère Norodom. Il coupa la pointe de cette coiffure, geste également rituel, qui symbolise la fin d’une royauté et qui doit détourner tout malheur du peuple et son nouveau roi, durant le règne qui commence. Dehors, des bakous(5) sonnaient des conques marines.

L’extrémité d’un long fil de laine blanche fut placée contre le corps, le fil sortant de l’urne et devant tomber du catafalque, de façon qu’au moment de chaque prière, les bonzes, en le prenant en mains, pussent ainsi entrer en relation avec le mort.

M. Guichard, dont le rôle était venu, fit verser dans l’urne sept à huit litres de formol saturé de chlorure de sodium. Elle fut couverte et soudée. Son couvercle avait été percé en son sommet d’un trou du diamètre d’une épingle, pour permettre éventuellement aux gaz de s’échapper sans augmenter la pression à l’intérieur.

On présenta alors l’urne-enveloppe (temporaire comme l’urne de cuivre). En bois doré, entièrement ciselée, s’ouvrant sur charnières comme un œuf de Pâque, c’était celle qui servit pour le fils aîné de S.M. Sisowath, le prince Essaravong, décédé en 1907, à l’âge de 46 ans. Refermée sur son noyau sacré, elle fut posée sur le lit.

Toute cette série d’opération fut terminée. Il était huit heures du soir. Il ne restait plus qu’à obéir aux indications du hora, l’astrologue du Palais, afin d’édifier, au jour et à l’heure qu’il aurait déclarés propices, le haut et fragile catafalque destiné à remplacer la couche funèbre et au sommet duquel l’urne de parade doit être exposée jusqu’à la crémation.

Ce catafalque devrait posséder neuf étages. Mais la hauteur du plafond ne le permettant pas, il n’en a que sept. Il est, ainsi que toute la chambre funèbre, blanc et or, en simple calicot sur lequel sont collées des rosaces de papier doré. Les portes sont ouvertes à la lumière du jour et aucune lampe ni cierge ne brûle auprès de cette claire chapelle mortuaire. Aucune garde d’honneur ne la rend solennelle. La mort ne dégage là qu’une gravité purement intellectuelle. Son appareil est calme et léger, dans le silence et la paix du Palais désert.

Trois fois par jour, à 6 heures du matin, à midi, à 18 heures et 1/2, les femmes du Palais apportent au défunt ses repas. Elles les lui servent en se lamentant de sa disparition et les bonzes, le fil de laine blanche en mains, joignent leurs prières aux gémissements de ces pleureuses. Il en sera ainsi jusqu’au moment de la crémation.

Dans l’immense salle voisine, encombrée d’un luxe rigide, la statue dorée du Roi est assise, grandeur nature, à la droite du trône vide. Et cette forte silhouette, au masque lourd et bon, est toujours si vivant ici, et elle paraissait tellement durable dans sa très longue vieillesse, qu’on a peine à s’imaginer qu’aux prochaines réceptions ce n’est plus elle que l’on verra, brillante de pierreries et de brocarts somptueux, s’appuyer sur les coussins du lit de repos. Et que le corps massif que nous avons connu ait pu tenir dans cette petite urne de métal en tronc de cône, donne la piété de ce qu’était devenu ce grand vieillard, évoque l’amaigrissement de la maladie, la misère de la fin humaine…

Tandis que le nouveau roi entrait en fonctions, une série de travailleurs se mettaient à l’œuvre. Il s’agissait de préparer les grandes fêtes de l’incinération, fixées en Mars 1928, et six mois n’étaient pas de trop pour cet ouvrage.

A l’Ecole des Arts, artistes et artisans attaquaient successivement leurs besognes. C’est tout d’abord l’Okna Rajana Prasâp Mau, qui se met à dessiner la grande urne du cortège et de l’exposition au Veal Men. Composition cambodgienne tout à fait classique, motifs répétant les décors dictés par la tradition, forme suivant absolument le canon rituel : un phnom à six parasols se démontant en trois parties ; base circulaire à moulures rondes, garnie de quatre forts anneaux de transport ; tronc de cône constituant le réceptacle et s’ouvrant sur charnières, enfin, couronnement aigu formant couvercle. L’ensemble a 3 mètres 50 de haut et le diamètre de l’urne à son couverture est de 95 centimètres.

Pendant que Mau travaille à ses cartons ; on va chercher au Trésor Royal 130 barres d’argent fin, 65 taëls d’or et l’on achète le sralao () nécessaire pour façonner la doublure, le bâtis intérieur essentiel.

Chaque barre d’argent pèse 385 grammes et coûte 16 piastres (208 francs au cours du jour) ; chaque taël d’or pèse 37 grammes 50 et vaut 53 piastres. Le bois revient à 70 piastres. Avec les fournitures secondaires, on arrive environ à 5600 piastres de matière première. La main d’œuvre ne dépassera guère 600 autres piastres, car elle est fournie par les meilleurs artistes de l’Ecole, fiers du travail qui leur est confié et heureux de l’accomplir avec tous leurs soins, comme un perfectionnement professionnel.

Aux douze élèves orfèvres choisis s’ajoutent quatre anciens élèves, appelés pour la circonstance. Les trois plus habiles charpentiers de l’atelier de menuiserie sont désignés.

Le 1er Septembre, le travail d’orfèvrerie commence, rendu infiniment long par l’impossibilité de laminer les lingots d’argent. L’unique marteau-pilon de Phnom Penh ne fonctionne pas. On doit aplatir les barres à la main. Chacune ayant 11 centimètres de long sur 3 de larges et 2 de haut, force est de marteler avec patience, jusqu’à les réduire en feuilles de 0m30 sur 0m20 et sur un millimètre ½ environ d’épaisseur. Cette opération seule prend des semaines.

Pendant ce temps, les menuisiers découpent, arrondissent, ajustent toutes les parties de cette forme intérieure qui sera le corps même et l’harmonie de l’objet, le métal s’y ajustant comme un simple épiderme. Cette forme est laquée de rouge, du beau rouge de sang des colonnes de pagode. Elle ne s’arrête qu’à la pointe terminale du phnom, dont l’ultime flèche est maintenue par une tige de fer. Sur toutes ses belles moulures circulaires, sur ses flancs évasés en fleur longue, sur tous les étages de l’immense couvercle, les orfèvres ajustent le revêtement d’argent fin, entièrement ciselé et passé au bain d’or.

Une guirlande de palmettes et de rosaces suspend sa grâce autour du col de l’urne. Sur le couvercle s’élèvent onze rangs de décors floraux, découpés et mouvants, scintillants de cabochons, crêtant les tores successifs du phnom jusqu’à la base des paraboles d’or. Lorsqu’elle sera en marche sous le soleil, l’urne ne sera qu’un éclair et qu’un flamboiement.

Le 1er Février, elle sort des ateliers. Elle est achevée, sauf les mille soudures, qui seront faites plus tard, à loisir. Sa cuirasse de métal précieux est provisoirement ajustée par des petits clous de cuivre. Elle est transportée dans une des embrasures du Musée, où elle va rester exposée trois semaines.

A côté de cette riche enveloppe est le vase intérieur – exactement une lessiveuse d’argent – qui contiendra les restes destinés au bûcher. Ces récipients seront placés au Veal Men, le pavillon de crémation déjà presque fini, qui dresse au centre d’un enclos ceint de murettes et de haies, au dessus d’un village de paillottes neuves, sa haute silhouette rouge. Et la troisième pointe du triangle funéraire, c’est, là-bas, sur la droite, le Palais où le Roi attend, pauvre dépouille pliée dans son vase rituel, que les vivants lui accordent enfin la grâce de troquer sa décomposition contre une pincée de cendres, ses récipients de parade contre la suprême petite urne, et la dernière agitation du monde contre le repos éternel.

Le hora ayant, une fois de plus, consulté les auspices, les fêtes de la crémation furent fixées du 2 au 10 Mars 1928.

Le Veal Men, fragile pavillon et de bois, a 35 mètres de haut. Il est ouvert par quatre portes ogivales, sous une toiture recourbée, à double plan, fine et cornue, selon le classique profil cambodgien.

Au dessus, six étages de toits ronds, à décrochements garnis de pièces d’accent, supportant le motif des quatre visages et la flèche de parasols, léger mirage, croirait-on, du Palais lui-même, qui érige un peu plus loin les mêmes superstructures.

Une paillotte dorée, étincelante et lisse, couvre les toits, à l’imitation des admirables tuiles d’or dont la fabrication s’est perdue.

Et dans l’intérieur du Veal Men, un catafalque à 9 étages, pareil à celui de la chambre mortuaire, mais rouge, est recouvert d’un clinquant métallique si brûlant que l’on croirait déjà, dans cette ombre, voir rougeoyer le brasier suprême.

Dans toute l’enceinte se pressent les salles ouvertes et les maisonnettes qui abriteront danses, offices divins, jeux de toute sorte, repas.

On pose des paravents devant les quatre entrées à pointes aiguës ; on assemble sous les hangars une armée de yeaks, féroces géants verts à crocs de tigres, qui garderont les issues, et d’énormes parasols votifs argentés. Des avalanches de calicot blanc ruissellent, tapissant l’intérieur du Veal Men, drapant un dais fleuri d’or, tombant en rideaux de onze pieds, recouvrant d’une neige pure les toits des paillottes, les papillons d’angle, les crêtes des galeries, les flancs des piliers, les kiosques.

Des mâts de fête, des oriflammes, des raquettes d’artifices vont jaillir du sol de tous côtés, et l’aspect définitif de l’ensemble n’apparaîtra guère qu’à la fin de Février.

Sur ces échafaudages et dans les ateliers où s’élaborent les multiples accessoires des longs cortèges prochains, un peuple de fourmis humaines travaille fébrilement pour la dernière glorification de Celui qui fût, pendant près d’un quart de siècle, le lointain héritier des grandes apothéoses impériales.

Ce qu furent les crémations des empereurs antiques, il est difficiles à notre imagination, affaiblie par la pauvreté des démocraties, de se le présenter. Mais ici, la mort frappe chaque fois un monarque moins riche moins puissant que le précédent, et les immenses fastes d’Asie se perdent peu à peu. Sa Majesté Sisowath n’avait pu laisser que cent mille piastres pour ses fêtes mortuaires. Son frère, dit-on, en avait légué le triple.

Quoiqu’il en soit, tous s’éteignent au milieu de cet inextricable mélange de bouddhisme et de brahmanisme, encore brodé de superstitions étrangères aux deux religions, assistés par les bonzes, les bakous, les achars et les horas, auxquels se mêlent les pleureuses et les nécrophores, jusqu’au moment où tout cesse dans le beauté purification du feu…Jeanne LEUBA

Prochaine publication : La fin d’un Roi cambodgien (suite)

Explications :

  1. Le bouddhisme n’admet pas l’existence de l’âme ; mais le bouddhisme populaire en a fait une croyance aujourd’hui inexpugnable.
  2. Le chedei ou stupa est une construction pointue, en maçonnerie, souvent fort élégante, qui sert de reliquaire ou accompagne les tombeaux royaux ou religieux. Ici se manifeste, comme dans toutes les croyances cambodgiennes, l’incroyable mélange du bouddhisme, du brahmanisme.
  3. Les danseuses seules furent exeptées de la tonte, sur leur demande, ce qui est une nouvelle dérogation aux rites. Autrefois, le peuple entier, hommes et femmes, devait se faire tondre à ras, du moment de la mort au moment de la crémation. Ce n’est qu’après celle-ci qu’il est permis de laisser repousser les cheveux. Cette coutume défigure assez les femmes pour que l’on comprenne le désir des danseuses d’échapper au crâne en œuf qu’elle inflige durant des mois. Il est curieux que les hommes se soient affranchis les premiers d’un telle obligation.
  4. Krom phusamala : pr : Foussa mala. Dans le langage actuel, cette forme tend à devenir malaphusa
  5. D’or, d’argent ou de cuivre, tout cadavre doit avoir cette pièce dans la bouche. J’ai recueilli au sujet de cette coutume deux explications dont la divergence est amusante. Les Cambodgiens de qualités disent que la pièce et le symbole bouddhique de la vanité et de l’impermanence des choses terrestres : on la retrouve, en effet, dans les cendres du bûcher et elle indique ainsi aux hommes que si l’âme s’en va charger de ses vices et de ses vertus sans rien en laisser, le corps, en revanche est incapable d’emporter le moindre parcelle des biens de monde, fût-ce un morceau de métal.

Les gens du peuple disent qu’elle est l’obole desinée à acheter au ciel la place du nouveau venu dans le « grand village » de cet autre monde où il arrive. Si l’on retrouve la pièce dans les cendres, c’est parce que le dieu, qui aime ses créatures, se considère comme payé, du seul fait de l’offrande, et restitue l’argent à ceux qui en ont plus besoin que lui.

  1. Bakous : Brahmanes
  2. Sralao : Bois d’un arbre de très belle volée.

LES FÊTES DE LA CRÉMATION DE S.M. SISOWATH (suite et fin)

Jeanne LEUBA

Samedi 3 Mars, deuxième jour de l’exposition de l’urne, le matin se lève au chant des pleureuses. Puis, ce ne sont, pendant des heures, que cérémonies religieuses et privées : repas offert aux bonzes officiants des quatre sam san et du pavillon des cérémonies ; chant des pleureuses ; déjeuner offert aux membres de la famille royale, aux dignitaires et aux employés de service ; sermons.

Ces rites durent jusqu’à 4 heures de l’après midi.

A ce moment doit avoir lieu le transfert des deux vases contenant les vêtements et les résidus du lavage du corps du Men à la pagode d’Argent, le Preah Kèo, pour incinération de leur contenu.

Déjà, toute la procession est prête. Une nuée d’enfants en costume bleu et rouge, coiffés du casque assorti, sont répartis le long de deux longues cordes qu’ils doivent tenir pour encadrer le cortège, en portant les oriflammes blanches à dragons noirs.

Un simple siège laqué rouge est en attente au pied du Men. Les deux vases dorés sont descendus au son de conques et installés sur ce siège; un porteur les abrite avec un grand parasol blanc et deux éventails coudés en forme de feuilles de lotus les encadrent, tenus par des dignitaires en robe de tulle blanc, coiffés du lom-phâk.

Cortège restreint, d’ailleurs, simple accompagnement honorifique pour un court trajet.

Au Preah Kèo, un bûcher est installé au centre de la belle cour paisible tout petit Men, abri sur quatre montants, au-dessus du rectangle drapé de blanc où sont enfermés bûches et charbon. Sur le combustible, une grande cuvette de bronze – la très grande marmite cambodgienne - dorée. A peu de distance, le fauteuil de S.M. Moniving, et, derrière, des rangs de chaises pour les princes, ministres et dignitaire.

Des troupes font la haie. La musique tagale et la musique cambodgienne sont là.

Les vases sont amenés au pied du bûcher et découverts. Deux Krom snom en retirent le contenu avec des bâtons, coussins et vêtements trempés, débris de toute sorte, mokot à la pointe coupée. Des paillettes et des cabochons brillent encore sur ce triste costume ruisselant de sanies. La brise chasse une odeur de mort.

Soudain, sonnerie de clairons et hymne national : le roi paraît. Une garde d’honneur le précède, toute en blanc, coiffés de toques blanches, porteurs de piques ciselées, tenues de fer en bas, et licteurs présentant à plat sur les mains les faisceaux de rotin. Puis, c’est la litière royale, sur les épaules d’hommes en vestes lamées, bleues, violettes, vertes, rouges et culottes bleue, coiffés du casque doré barbare, en perce-neige retourné, dont les pédales serrent la tête.

Le vidage des vases contenus ; lorsqu’ils ne contiennent plus rien de solide, les nécrophores les prennent par les anses et versent les liquides dans la cuve qui s’emplit jusqu’au bord.

Des serviteurs passent des corbeilles pleines des branches de fleurs en copeaux de santal, et chaque assistant prend une de ces branchettes.

Maintenant, on recouvre la cuve de grandes feuilles de papier blanc que le vent léger s’obstine à déranger. Un homme du service funèbre noue en boule une écharpe blanche, et, par-dessus le bûcher, la lance à un de ces compagnons qui la lui renvoie et la reçoit encore une fois, comme une balle. Ces trois gestes, qui sont accomplis dans toutes les crémations, ont pour but de chasser les mauvais génies qui pourraient nuire à la famille ou troubler la fête d’incinération par des incidents fâcheux.(1)

Tout étant prêt, le Roi se lève et tous le suivent, branches à la main. Ces offrandes odoriférantes sont déposées sur le bûcher exactement avec le même cérémonial que nous jetons en France la dernière fleur sur un cercueil dans sa fosse. Après quoi, le Roi, resté seul, enflamme simplement un papier froissé à la flamme d’une allumette et met le feu sous la cuve. Le Marche Funèbre, de Chopin éclate, bizarrement mélangée à l’aigrelette musique funéraire cambodgienne.

Sa Majesté revient s’asseoir quelques instants. Mais ELLE ne s’attarde pas. Peu après, Elle salue et se retire.

Les licteurs blancs et la litière aux porteurs barbares disparaissent. Les troupes se replient. Les musiques s’en vont.

Les ombres reposants du couchant s’allongent sous sous les grands arbres, entre les pavillons pleins de religieuse paix.

Tout seul au centre de la cour, le bûcher brûle, presque invisible, et le grand cuve plein de paquets bruns et d’un liquide qui bout et clapote en débordant, évoque tristement l’idée peu solennel d’un pot-au-feu malpropre…

Une odeur écœurante s’en élève. Et nous laissons là s’achever dans le silence et la solitude cette incinération sans apparat.

Dans l’enceinte extérieure de Men, le spectacle est plus gai. Des magistrats en tulle blanc et en bonnet pointu sont montés dans les tours de calicot et, du haut de ces miradors fragiles, puisant dans des sacs, jettent des poignées de petits citons verts ; Une nuée de gamins bondissent à travers la poussière et se battent pour la possession de cette manne. Car chaque fruit contient soit une pièce de 10 cents, soit un numéro qui donnera droit à un objet de souvenir. Et les deux magistrats qui ont l’air de s’amuser autant que les gamins, disposent chacun de 220 citrons ; 200 piécettes et 20 à numéros.

S.M. Monivong salue encore l’urne de son père, aux prières des quatre vingt huit bonzes. Et, comme la nuit tombe, tout recommence dans un ordre identique : le Men s’embrase ; les artifices fusent, les danses, les marionnettes, le service religieux de la pagode chinoise se mettent en branle.

A minuit, les bakous sonneront de la conque et les pleureuses chanteront leurs douces lamentations au pied de l’immense catafalque, dans le silence de la nuit nacrée de la lune.

Durant cinq jours, rien ne change. L’urne exposée attend, protégée le jour de l’ardent soleil par quatre longs volumes blancs tendus du cintre du Men aux quatre portes de l’enceinte intérieure, quatre grandes voiles blanches légères, que la moindre brise enfle et qui semblent prêtes à emmener on ne sait où, hors du monde, ce haut esquif délicat, qui tient si peu au sol. Au crépuscule on les remonte et le flamboiement électrique éclate, jetant vers le ciel splendide un halo de clarté qui domine la ville.

Les bonzes prient ; les pleureuses blanches restent en garde funèbre et se lamentent aux heures rituelles.

Dimanche, Lundi, Mardi, Mercredi, Jeudi…

Vendredi 9 Mars. A 7 heures du matin, après le chant des pleureuses, le Roi et toute la Cour assistent à l’office des quatre vingt bonzes. L’urne, toujours encadrée et soutenue par les princes Vongkat et Duong Sokhana, est descendue et transportée dans le pavillon des parfums, derrière le Men. Là, Leurs Saintetés les papes des bonzes, Chefs suprêmes des deux sectes, les princes et les ministres assistent à la translation du corps dans l’urne définitive. La grande urne d’or est ouverte ; on en retire l’urne d’argent, qui est glissée dans une urne de bois odoriférant, ciselée et décorée de rosaces argentées. Des aspersions de parfum ont lieu. L’urne de bois est fermée et reste en attente.

Au Men, on travaille à réduire rapidement le catafalque, qui doit être diminué de quatre étage pour la crémation.(2)

A 3 heures de l’après-midi, l’urne est portée, toujours avec la même escorte, sous la coupole du Men. Elle est installée sur le catafalque dont le pied est entouré des hommages funéraires reçus : palmes de bronzes de l’Empereur d’Annam, palmes du Gouvernement français, couronnes des Résidences Supérieures et des principaux Services.

Les quatre vingt huit bonzes se mettent en prières, et à cinq heures, lorsque ces rites sont terminés, commence la grande cérémonie officielle.

Entourés de toutes les personnalités cambodgiennes, le Roi, dans une grande robe de lamé d’or, reçoit les délégués de la Cour de Hué, Excellences en splendide tenue annamite bleu sombre, leurs plaques de mandarins sur la poitrine, le grave turban noir au front ; les représentants de la Cochinchine, le Résident Supérieur au Cambodge, avec les fonctionnaires et autres Européens de la ville, auxquels se sont joints des touristes et des officiers de marine de passage.

Les troupes françaises et indigènes sont présentes. Isolées sur le côté gauche, les pleureuses, assises sur des nattes, font une large tache blanche, tandis que dans un des courts vestibules du Men, une théorie de bonzes jaunes disent les prières en tenant la bande blanche qui descend de l’urne sur le flanc du catafalque.

Devant le siège du Roi est préparée la mèche qui va jusqu’au bûcher. Elle repose sur un support en dragon doré, garni d’une pendeloque de fleurs blanches et de couronnes de copeaux de santal. Elle y fait une boucle en guirlande, couverte de fleurs et de feuilles.

Des corbeilles sont passées à travers l’assistance, contenant des branches et des raquettes de fleurs en bois de santal et de grosses boules de résines odoriférantes, semblables à des mandarins, enveloppées de mousseline blanches sur des transparents vifs, verts, rouges, bleus, violets.

Sur le côté Nord du catafalque, un escalier a été aménagé, permettant de monter jusqu’à l’urne. Sa Majesté Monivong s’y dirige, munie de ses offrande et va les déposer sur le bûcher, en saluant son père une dernière fois. Elle redescend bientôt, en larmes, tamponnant ses yeux de son mouchoir et toute la famille monte à son tour pour amonceler au pied du vase funéraire les branches de santal et les boules parfumées.

Les troupes françaises rendent les honneurs au mort, Grand - Croix de la Légion d’Honneur.

Lorsque le long défilé des assistants porteurs d’offrandes parfumées à l’urne a pris fin, le moment suprême est arrivé. Le Roi se lève et enflamme la mèche. Le feu s’élance, dans un volcan de fumée blanche, court à travers les syrinx de bambou traditionnelles qui poussent leurs clameurs pathétiques, pareille à de déchirants cris de douleur.

Le canon se met à tonner ; les accents poignants de la Marche Funèbre de Chopin, la triste et précipitée musique Khlang Chhnak, gémissent et pleurent. Et lorsque le nuage s’est dissipé, on aperçoit, là-haut, l’urne environnée de flammes que des hommes entourent aussitôt, sur les quatre faces, de paravents d’or dont chaque feuille porte une apsara noire.(3)

C’est fini. Derrière cette fragile barrière, qui cachera toute laideur, le mystère de la crémation va s’élaborer pendant la nuit entière.

Le salve sourde égrène ses quatre vingt huit coups pendant que le Roi, debout et les yeux rouges, petit dans sa royale robe d’or, subit l’interminable défilé des condoléances.

Un parfum de santal et de résine s’échappe du bûcher invisible, avec des volutes de vapeur blanche que la brise chasse vers la ville, comme si l’âme du mort s’en allait planer une dernière fois sur sa capitale.

Peu à peu, l’assistance s’écoule. Après les ultimes poignées de mains, le Roi remonte en litière et regagne son Palais sur les épaules de ses porteurs chamarrés. De nouveau, comme chaque jour, se préparent dans le soir qui tombe, les jeux, les offices, les lancements de fusées, les danses.

Mais plus tard, lorsque la nuit est close et le silence revenu, quelle grandeur étrange et quelle émouvante beauté se dégage de ce Men, enfin livré à sa destination, emplit de la majesté de ce mort qui se consume, avec ses reflets de pourpre et ce tourbillon de fumée blanche, dans cette immense blancheur des tentures, au milieu de ce ruissellement de lumière qui font, autour du rouge brasier masqué, un autre brasier de feu blanc.

L’incinération s’est accomplie. A la fin de la nuit un achar a éteint les charbons avec un peu d’eau et les a recouverts d’une feuille de bananier. Au matin, le Roi, la famille royale et la Cour se trouvent réunis autour du bûcher. Trente deux bonzes sont en prière dans les papillons d’angle.

La feuille est enlevée. Le Roi dépose parmi les débris trente deux pièces d’or et d’argent, fleurs d’or et bagues, symbolisent les trente deux organes de l’être humain selon la conception bouddhique.(4)

L’achar mêle le tout avec les cendres et la cérémonie dite bangvé popil a lieu. Ce sont trois tours, accomplis lentement autour du bûcher, par des personnes autant que possible heureuses, sages, considérées, fortunées, âgées et mariées de préférence, ou d’état religieux. Cette sorte de magie sympathique doit servir à conjurer tout mauvais sort et à écarter les malheurs de la lignée du mort.

Ceci fait, le Roi d’abord, en suite les Altesses Royales, les membres de la famille royale, hommes et femmes, et enfin l’achar et les bakous, se mettent à trier les os, au son des conques marines et de la musique des morts. Ces os sont lavés à l’eau de coco, passés dans un tamis d’or que l’on découvre d’une étoffe lamée d’argent et d’or et que l’on pose sur un plateau d’or.

Ce plateau, encadré par les deux princes Vongkat et Duong Lakhana est descendu du catafalque. Un petit cortège de princesses et de dignitaires l’accompagnent dans la galerie Sud-Est où il est déposé sur un autel des ancêtres, afin de le laisser sécher les os quelques heures.

Quatre vingt huit bonzes se mettent en prières. Les deux grandes bonzeries d’Ounalom et Botum Vodey – celles des deux sectes – reçoivent des présents.

Les trente deux pièces et objets d’or et d’argent retirés des cendres demeurent la propriété du Roi et des assistants, comme souvenirs. De même leur est-il permis de garder quelques brins d’ossements, pour les faire déposer, comme une relique sacrée, dans les tombeaux de leur famille.

Cependant, les cendres elles-mêmes et les débris du bûcher sont mis dans quatre sacs brochés d’argent (les charbons mouillés ont vite fait de noircir). Chaque sac est supporté par un plateau de bois doré, incrusté de nacre, et ils sont si lourds que l’un des plateaux se brise et qu’il faut un certain temps pour en trouver un semblable au Palais.

Un pavois abrité par deux parasols blancs et escorté d’une petite procession – enfants en costume rouge et bleu, orchestres, étendards – les emporte jusqu’au fleuve, face des Quatre-Bras. Là, deux pirogues attendent. Dans la première montent cinq bakous. La seconde reçoit les sacs, accompagnés par la musique et les krom snom.

Les deux embarcations s’éloignent sur les eaux brillantes de soleil, dans la belle lumière du matin. Elles vont jusqu’au milieu du grand confluent, à l’endroit que le Chef des bakous désigne comme étant celui des Quatre-Courants. Le surgissement funèbre des conques marines retentit. Les sacs sont précipités dans les flots, qui des referment sur eux.

La petite escorte revient à terre et s’en retourne.

Au début de l’après-midi, le Roi et les ministres se rendent au Men de nouveau et après les grandes salutations respectueuses aux ossements, procèdent à la mise en urne, toujours au son des conques marines et de la musique des morts.

Cette nouvelle urne – le Kot – est une étincelante petite merveille d’or et de diamants, reproduisant, dans sa grâce minuscule, la forme des grandes urnes couronnées d’un Phnom.(5) Ce reliquaire exquis est installé de nouveau, jusqu’au lendemain, sous le Men, au sommet du catafalque aux neuf étages reconstitués.

Toute la journée et le soir, au Men, les repas offerts aux bonzes, aux dignitaires et aux employés divers alternent avec les sermons et les prières.

La toute petite statuette du Bouddha, fort banale, fondue avec le masque mortuaire de S.M. Sisowath, est consacrée par une série de cérémonies purement religieuses. Les dernières fusées sont tirées ; la dernière illumination étincelle.

Et le Dimanche 11 Mars, dernier jour des fêtes, après les dernières agapes et le sermon final récité par 107 bonzes, il ne reste plus qu’à transporter le kot au Palais, où il attendra la dernière répartition des ossements.(6)

A 5 heures du soir, les quatre vingt huit bonzes ont dit l’ultime prière, se retirent du Men. Les princes Vongkat et Duong Lakhana montent au sommet du praticable et descendent sur le chariot avec le reliquaire. Le Roi et la Cour sont présents. Ce n’est plus une litière, ni un pavois banal, qui est présent : c’est un trône royal, tout entier ciselé de petits garudas dorés (6) et qu’abrite un parasol d’argent.

Le délicieux bijou funéraire est posé sur le siège où on le fixe par des liens de coton blanc. Au-dessus de la miniature de vase d’or, le phnom aux neuf parasols étincelle de pendeloque de diamants, et c’est vraiment une œuvre d’une délicatesse et d’une harmonie idéales.

Pendant ces préparatifs, S.M. Monivong est retournée au Palais. Au Men, l’ultime cortège s’ébranle, encore une fois dans le triste bourdonnement des conques des bakous et le mélange de la Marche de Chopin par les tagals et de la musique khlang chhnak.

Ce sont toujours les gamins rouges et bleus, le long des deux cordes qui encadrent le défilé ; les étendards, les tambourins, la châsse où brille, parmi d’autres statuettes, la nouvelle petite effigie du Bouddha. Et, ce dernier, le trône avec son scintillant vase de cendres.

La procession n’a qu’à peine deux cent mètres à faire. Elle entre dans le jardin du Palais, où elle se répartit symétriquement à droite et à gauche du perron d’honneur, au sommet duquel le Roi Monivong est debout.

Une foule blanche, que tachent tous les brassards noirs, attend silencieusement, massée sur la pelouse. Lorsque les porteurs du trône d’or ont gravi les marche et posé leur fardeau aux pied du Roi, celui-ci prend respectueusement le petit kot étincelant et il l’emporte dans le Palais, suivi par les ministres et les dignitaires.

Les musiques mélanges toujours leur accents funèbres, rythmes d’Occident et d’Orient. Le dernier acte est fini. Le Roi ressort, monte en litière et rentre dans les appartements privés. Le flot des curieux s’écoule. Musiciens et processionnaires se dispersent.

Sur les marches du Palais, les dignitaires s’attardent encore un instant. Son Excellence Thiounn jette un dernier coup d’œil avant de s’en aller. Avec Elle, nous pénétrons une minute dans la Salle des Ancêtres, déjà presque obscure, où, sur un immense catafalque à étage, le vase de cendres de S.M. Sisowath domine, abrité sous une châsse de verre, une multitude de petites urnes de toutes formes, qui garnissent les ressauts du piédestal ; restes de princes et des membres de la famille royale, auxquels le culte des ancêtres est régulièrement rendu..

Nous nous retirons. Derrière nous, se ferment les portent d’or du Palais. Le silence et le soir désert.

Je ne prétends pas n’avoir commis aucune erreur au cours de ce reportage. J’ai simplement tâché à n’en point commettre, par tous les recoupements et toute la documentation possibles dans le peu de temps dont je disposais. Mes collaborateurs occasionnels, tant Cambodgiens que Français, m’ont apporté un précieux concours dans une recherche, souvent fort délicate, de la vérité. Ces rites, déjà très altérés, dont le sens se perd plus un peu plus à chaque génération et dont le faste s’amoindrit à chaque règne, à mesure de la diminution des ressources royales, sont appelés à être balayés par le souffle dévastateur du modernisme. C’est la tâche des écrivains que d’essayer d’en conserver un peu ple souvenir captivant.

Jeanne LEUBA

Explications :

(1). J’ajoute que, d’après un rituel rigoureux, cet exorcisme ne doit pas être accompli dans une cérémonie royale. Il semble qu’il y ait eu ici une sorte de familiarité déplacée de la part d’un krom snom.

(2) Au Men, on travaille à réduire rapidement le catafalque, qui doit être diminué de quatre étage pour la crémation : Détruisons encore en passant une autre légende : celle de l’urne en argent qui devait fondre sur le bûcher et dont le lingot ( !) servirait ensuite à exécuter un buste de SD.M. Sisowath. Loin de connaître un sort si glorieux, la « lessiveuse » a été aspergé sans cesse fort soigneusement ; au sommet du feu, le couvercle étant retiré, le fond se dessouda et livra passage aux flammes, qui traversèrent ainsi une sorte de cheminée. Les flancs de l’urne, noircis mais constamment mouillés, restèrent intacts et le vase funèbre retourna, lorque tout fut fini, dans les réserves de métal précieux du Trésor royal, où il sera fondu le jour où quelque usage en nécessitera l’argent.

(3) apsaras : danseuses célestes

(4) symbolisent les trente deux organes de l’être humain selon la conception bouddhique : Les ongles, les cheveux, les dents sont compris dans les organes.

(5) Cette nouvelle urne – le Kot – est une étincelante petite merveille d’or et de diamants, reproduisant, dans sa grâce minuscule, la forme des grandes urnes couronnées d’un Phnom.(5) : Je n’ai pu arriver à savoir si ce kot venait d’être fait pour le Roi Sisowath ou s’il été ancien. D’après certaine autorités cambodgiennes, il aurait été fait pour le Roi Norodom ; d’après d’autres, il remonterait à plusieurs crémations royales, d’après d’autres enfin, il serait impossible qu’un kot serve à deux ou trois rois successifs, car il faudrait commettre le sacrilège d’enlever les os de l’un (qui doivent y rester pour le culte sur l’autel royal des ancêtres) pour mettre les os de l’autre, et que ce serait là une profanation monstrueuse. Cette dernière conception serait conforme aux traditions profondes des khmers. Mais peut-être ne faut il s’étonner de rien, avec les bouleversements et l’irrévérence qu’apportent les idées modernes ?

(6) où il attendra la dernière répartition des ossements : Si les traditions sont vigoureusement observées, une parie des ossements devra être transportée à la montagne toyale de Oudong, ancien emplacement du cambodgienne après Angkor, et une parie au Vat Prah Kèo. Le reste étant conservé dans la Salle des Ancêtres du Palais, pour y recevoir le culte quotidien. Le Roi Sisowath avait demandé par testament que l’on édifât à Oudong un chedei nouveau pour y mettre ses cendres. Mais il est probable que l’on se contentera d’ouvrir celui du Roi Ang Duong son père, chedei édifié par le Roi Norodopm, et d’y ajouter les ossements du souverain.

(7) garudas : oiseau divin à corps humain, monture de Vishnou.

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C
Il y a de cela 2 ans j'étais un homme malheureux et malchanceux. J'avais divorcé avec ma femme il y a long temps pourtant je l'aimais. Et j'ai parlé de ça sur internet pour avoir des conseils. Parmi tous les conseils que j'ai reçu une femme qui m'a conseillé de contacter un homme honnete suivit de son mail pour lui expliquer mon cas. Au début je n'avais pas confiance parce que j'ai déjà contacter beaucoup qui m'ont pas satisfait et quand je l'ai contacté, je lui ai expliqué toute la situation de ma femme et moi. Vous savez quoi?<br /> <br /> Cet homme m'a dit qu'il va me faire quelque chose pour que ma femme revienne. Et j'ai passé à quelques rituels.<br /> <br /> Et bizarrement dans les sept jours à suivre ma femme est revenu en me suppliant de remarier avec elle, c'est un miracle pour moi en plus de ça j'avais des soucis au travail avec mon directeur tout ces problèmes sont finis et je suis en paix au travail et dans mon foyer. C'est le premier miracle que j'ai vu dans ma vie.<br /> <br /> (pour tous vos petits problèmes de rupture amoureuse ou de divorce-maladie-la chance-les problèmes liés a votre personnes d'une manière-les maux de ventre-problème d'enfants-problème de blocage-attirance clientèle-problème du travail,porte monnaie magique,multiplication d'argent ou tant d'autres). Ce maitre est très fort avec lui ma femme est revenue et j'ai eu la satisfaction en 7 jours il est très fort surtout les problèmes de retour affectif.<br /> <br /> C'est une personne sérieuse et honnête qui offre son talent a des personnes honnêtes qui sont dans le besoin d'appui spirituel pour avoir satisfaction a tous les problèmes de leur vie actuelle, soit pour s'assurer d'un lendemain meilleur avec leur famille.<br /> je me permets de vous laisser son contacte : voici son numéro de WhatsApp et appelle<br /> 00229 91919752) voici son: email <br /> maitremagni@gmail.com
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