NOUS VIVONS UN MOMENT DECISIF
Journée Citoyenne
Collège Saint-Louis à Liège
25 mars 2011
Je voudrais vous dire tout d’abord que je suis très heureux de passer un petit moment avec vous aujourd’hui. J’espère que nous allons profiter de cette occasion pour dialoguer afin de nous enrichir mutuellement.
Mais avant d’aller plus loin, j’aimerais vous dire d’emblée que nous assistons actuellement à un moment historique. Je veux parler, bien entendu, de ce qui se passe en ce moment même dans le monde arabe. Je me souviens que Kadhafi aimait répèter que les particularités des sociétés arabo-africaines rendaient la démocratie multipartite impossible sur ce continent proche et voisin de l’Europe. . L’histoire du monde démontre clairement que la démocratie est un résultat de la marche de la civilisation. Le peuple libyen et les autres peuples de cette région sont en train de condamner fermement et parfois avec leur sang cette affirmation et rappellent leur conviction profonde que les valeurs démocratiques universelles et la démocratie multipartite constituent bien le fondement indépassable de toute forme de système politique, et ce dans les pays d’Afrique comme ceux des autres continents, d’Europe, d’Asie et d’Amérique.
Ainsi ensemble, tous les peuples du monde, quelque soit leur culture, ont un intérêt commun et vital au développement continu de la démocratie dans ses aspects les plus divers. Chaque pays doit se conformer à ses conditions réelles et à ses traditions culturelles et historiques.
L’expérience humaine et ce qui est en train de se dérouler sous nos yeux dans les pays arabes réconfortent la foi que nous avons en la démocratie. Chaque société comme chaque individu a vécu différemment son histoire personnelle ou collective, cette particularité est un atout , et nous ne devrions jamais prendre notre histoire et nos expériences différentes pour nous exclure mutuellement mais au contraire nous devrions nous appuyer sur cette différence pour créer un monde de plus en plus humain.
Car n’oublions pas que l’histoire de l’humanité n’est probablement pas comme dit Marx, une histoire de la lutte des classes mais c’est une histoire de la lutte, violence sans fin entre deux conceptions de sociétés humaines fondées sur la « pureté » -qu'elle soit ethnique ou culturelle- et la société ouverte fondée sur la valeur universelle. Cette valeur universelle c’est la démocratie et les droits de l’homme.
Mais qu’entendons-nous par démocratie ? Nous savons tous que le terme démocratie vient de la combinaison des substantifs démos (le peuple) et kratos, la puissance ou la souveraineté. Cela veut dire que la démocratie ne sera jamais parfaite et le processus démocratique est une construction sans fin
Certains éléments sont toutefois généralement considérés comme des conditions indispensable d’une société démocratique :un Etat de droit, l’existence d’un cadre juridique solide d’institution et de procédure, le respect de cette Constitution par le pouvoir, la bonne gouvernance, l’équilibre du pouvoir, notamment le pouvoir législatif, judiciaire et exécutif véritablement indépendant l’un par rapport à l’autre. Un Etat démocratique est un Etat qui considère que la liberté humaine est un droit inaliénable et profitable à la bonne marche à la société.
Par contre un Etat autoritaire est un Etat qui contrôle la liberté dans la sphère politique à sa population. Dans cet Etat, seul un certain individu, certain groupe ou clan ou un parti politique ont le droit de parler ou de prendre des décisions politiques. L’Etat autoritaire, en dehors de la politique, la société civile fonctionne plus ou moins normalement. Les gens peuvent s’engager dans la vie sociale, économique ou religieuse ou ils peuvent se marier ou se déplacer plus ou moins librement. Les Etats arabes sont des Etats autoritaires militaires de l’homme fort ou monarchiques. Dans les Etats autoritaires, les droits politiques n’existent pas mais il existe un certain espace d’autres droits humains. Ce n’est pas le cas des Etats totalitaires.
Un Etat totalitaire est un Etat qui ne reconnaît aucun espace de liberté humaine. Il croit que chaque individu, chaque famille, chaque organisation sociale de servir le parti unique et ses dirigeants et d’accepter le contrôle de l’Etat-Parti sur tous les aspects de leur existence.
Il existe trois types de totalitarisme dans l’histoire contemporaine : l’Etat national socialiste hitlerien, l’Etat totalitarisme d’Al Qaida des talibans en Afghanistan de 1994 à 2001. Mais de loin, le plus grand, le plus commun, le plus long, le plus contreversé et le plus coûteux en vie humaine a été sans conteste le totalitarisme communisme. Il a été débuté en octobre 1917 en Russie. Après la Seconde Guerre Mondiale, en Europe de l’Est, en Chine, en Corée du Nord, au Cambodge, à Cuba et au Vietnam.
Ce rapide survol de l’histoire de l’humanité n’a pas pour but d’abréger le sujet principal de notre rendez-vous aujourd’hui à savoir mon expérience sous le régime Khmer Rouge. Au contraire. Je voudrais souligner que la meilleure façon de comprendre le régime khmer rouge est de reconnaître ses relations avec d’autres régimes similaires en son temps. La tragédie humaine ne connaît pas de frontière. Après l’extermination des Juifs en Europe, on a dit : « rien de pire que les nazis. Plus jamais ça ! ». Puis « plus jamais ça » après le Cambodge des Khmers Rouges. Cela n’a pas empêché le génocide au Rwanda ou aujourd’hui en Libye.
Comme presque tous les Cambodgiens, j’ai perdu beaucoup d’êtres aimés dans cette tragédie: mon père, mes quatre frères, leur épouse et presque tous leurs enfants. La liste est longue. Mais comme nous devons continuer à vivre, nous pensons que pour que les souffrances passées ne soient encore plus cruelles, il faut qu’elles ne soient totalement inutiles.
C’est pour cette raison que vous et moi, nous ne devons pas être prisonniers de notre passé mais toujours chercher ce que l’homme puisse mieux vivre demain. En tout cas, c’est ce que je crois être le but de la journée citoyenne d’aujourd’hui. Car n’oublions pas : vivre c’est chercher à comprendre, de l’ignorance à la connaissance, de la haine à l’amour. « La culture, disait Francesco Ferrucci, est le projet d’un monde dans lequel l’araignée et le papillon, au lieu de continuer éternellement leur massacre microscopique, trouve un mode de vie pour donner naissance à un espèce possédant les caractéristique des deux insectes. Et il ajoute « Il y a des multiples signaux-venant de nombreuses directions-qui indiquent que nous vivons un moment décisif dans l’évolution de l’espèce où, une fois encore, la survie est en jeu. »
Pouvons-nous relever ce défi ?
Ong Thong Hoeung